mercredi 5 septembre 2012

Ce qui se cache derrière la fusillade des élections au Québec


Les orangistes contre le fait français 

Fondé en 1795 en Irlande du Nord afin de combattre pour la suprématie de la foi protestante et la monarchie britannique, le Loyal Order of Orange connut un essor phénoménal dans tout l’Empire, mais en aucun endroit, en dehors des îles britanniques, l’expansion du mouvement orangiste sera plus fulgurante qu’au Canada. Il sera au coeur du combat contre le fait français au pays
À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, un Canadien anglais sur trois sera membre de cette organisation prônant la suprématie anglo-saxonne. L’Ordre d’Orange, qui représente l’intolérance érigée en système, aura alors une influence marquée sur la politique canadienne. Plus de 300 élus feront partie de l’Ordre, dont 4 premiers ministres fédéraux (Macdonald, Abbott, Bowell, Diefenbaker) et de nombreux premiers ministres provinciaux. À Toronto, on vibrera au son des tambours orangistes.
Le mouvement orangiste a été si important au Canada et a exercée une telle influence sur la vie sociale et politique canadienne qu’il s’est retrouvé impliqué au cœur des conflits qui ont bouleversés l’histoire de l’Amérique du Nord britannique. Des rebellions de 1837-38 aux débats plus contemporains sur l’unité nationale, en passant par les raids Fenian de 1866, les rebellions métisses de 1870 et 1885, la Guerre des Boers, les deux guerres mondiales, etc., le mouvement orangiste a joué un rôle de premier plan et a eu une influence considérable. Notamment, c’est en grande partie à son action que l’on doit toutes ces lois canadiennes-anglaises (le Règlement 17 ontarien est la plus célèbre) pour interdire l’éducation en français au Canada.
En fait, l’Ordre d’Orange suscitera lui-même de nombreuses crises linguistiques et politiques. En plus des crises des écoles françaises au Canada anglais, on peut penser aux émeutes de 1820 et des années 1840 au Nouveau-Brunswick, à l’émeute Gavazzi ou à l’incendie du Parlement de Montréal en 1849, au piétinement du drapeau québécois à Brockville (ville d’origine de l’orangisme canadien organisé) en 1990, pour ne nommer que quelques crises politiques pour lesquelles le mouvement orangiste ne sera pas seulement qu’un acteur, mais bien le provocateur et le principal moteur.
Qui plus est, le mouvement orangiste canadien développera même la capacité d’enfanter des mouvements encore plus intolérants et racistes que lui (le paroxysme de l’intolérance canadienne-anglaise, pourrions-nous dire), notamment le Ku Klux Klan canadien, mouvement hautement intolérant qui sera lui aussi en mesure d’alimenter et de faire naître les crises et les conflits. Ensemble, ils combattront le français au Canada avec une épouvantable efficacité. Pour cause, le KKK canadian sera présent d’un océan à l’autre, suivant le sillon orangiste, et comptera plus de 60 000 membres en règle à son apogée! Le journal albertain du KKK produira à lui seul, dans les années 1920, un tirage de… 250 000 exemplaires!
L’Ordre d’Orange, et les mouvements qu’il contribuera à faire naître, joueront un rôle immense dans le génocide culturel des francophones au Canada. Or, encore aujourd’hui, le mouvement demeure présent et actif au pays, avec une vitalité étonnante d’ailleurs, même si leur objectif a été en grande partie atteint : empêcher que le fait français au Canada déborde des frontières d’un Québec qu’ils honnissent.
Pour plus d’informations :
BÉGIN, Pierre-Luc, Loyalisme et fanatisme. Petite histoire du mouvement orangiste canadien, Québec, Éditions du Québécois, 2008.



"Speak White" de Michèle Lalonde interprété par Pierre Falardeau

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