samedi 17 octobre 2009

Le gai déclin : mode d'emploi


Il faut accepter l’idée que les méthodologies que nous avons développées pour réformer et reformer l’histoire, fermement dépendantes de la science et soumises à la morale du jour qui triomphe désormais en enfermant l’intelligence et en contraignant la sensibilité, que ces méthodologies sont impuissantes et nihilistes. Nous ne sommes plus capables de rien comprendre ni de rien ressentir de notre passé, à force de l’avoir enfermé dans des anathèmes qui ne concernent que nos frustrations, nos peurs, nos hystéries – très présentes, très actuelles les unes et les autres, sans rapport avec notre passé – indignes de notre passé, sans aucun doute – repoussées par lui, comme il se fait d’un corps étranger qui veut forcer et tordre la nature du monde. Le fruit atrophié de cette stérilité développée dans la pompe et l’arrogance, c’est la perte vertigineuse de la compréhension de notre situation, de la substance de notre identité, de la signification de notre existence. La méthodologie historique que nous avons développée au nom de la science et de l’idéologie qui sert la science réduit notre situation à un point tel que nous ne comprenons plus rien du temps présent, et que nous ne savons plus qui nous sommes, et quels sont notre nécessité et notre destin. Nous mourons de l’infécondité de l’esprit et du dessèchement de l’âme. Nous sommes de pauvres hères en haillons de notre esprit, avec des âmes qui sont comme des breloques trompeuses, présentes pour la figuration, contraintes et étouffées par l’infamie. Nous tournons en rond, comme des aveugles, comme des fous, comme des fantômes de nos pauvres croyances disparues. Nous entendons gronder autour de nous une tempête comme seul un Dieu peut en concevoir le dessein et nous ne voyons rien. Notre souffrance est immense et, pour celui qui n’en appelle pas à l’intuition, souffrance absolument indicible, subie comme un châtiment sans attendus ni verdict. La voie royale que je tente d’emprunter est tracée pour tenter de sortir de cette prison qui nous contraint.

-Philippe Grasset-

(Extrait de l'introduction du livre La grâce de l'Histoire à paraitre bientôt en librairie et sur dedefensa.org)

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