samedi 2 mai 2015

En défense d'Emmanuel Todd

Illustration : Serge Bernamej
Réponse à Hubert Huertas

Ainsi donc, M. Huertas, je serais coupable. Coupable d’être "resté les bras croisés", "calfeutré chez moi" le 11 janvier 2015. Ainsi donc, le démographe et historien Emmanuel Todd, serait, à vos yeux, également coupable. Coupable de "participer à la justification des attentats de janvier". Coupable de "prêter main forte  à un courant qui relativise à voix de plus en plus décomplexée les assassinats de janvier". Il est triste de culpabiliser et de stigmatiser des gens qui pensent, qui réfléchissent, qui tentent de poser un regard critique aussi bien sur les assassinats de janvier que sur les manifestations populaires qui ont suivi. Et de les faire passer honteusement pour ce qu’ils ne sont évidemment pas.

Si je parle de stigmatisation, c’est que l’atmosphère depuis les événements de janvier est devenue irrespirable en France. Voici un pays qui, suite à un attentat inqualifiable, a sombré dans l’hystérie. Voici un pays qui classe désormais ses citoyens en 2 catégories : ceux qui sont Charlie et ceux qui ne le sont pas. Voici un pays où une journaliste du service public nous somme à une heure de grande écoute de traquer "ceux qui ne sont pas Charlie". Voici un pays qui n’hésite pas à traîner des enfants de 8 ans dans des commissariats ou à poursuivre en justice un prof de philo parce qu’il tente de faire réfléchir ses élèves par eux-mêmes (ce qui est, jusqu’à preuve du contraire, le métier d’un prof de philo). Voici donc un pays qui sombre dans des pratiques dignes d’un pays totalitaire, pratiques cautionnées par les représentants de l’Etat et par la ministre de l’Education Nationale en particulier. Et voici désormais un pays qui, en réponse à ces attentats, s’apprête à adopter quatre mois plus tard, l’une des lois les plus liberticides de toute l’histoire de la Vème République.

M. Huertas, ce n’est pas dans ce pays que j’ai envie de vivre. Que cesse une bonne fois pour toute cette chasse aux sorcières, cette culpabilisation constante de ceux qui refusent de se soumettre à l’hypocrisie collective, aux bons sentiments de façade, et qui préfèrent raisonner, dépasser l’émotion que suscite forcément un tel événement. Je n’ai donc pas à me positionner en tant que "Charlie" ou "pas Charlie", je laisse cette dialectique aux débiles légers qui sévissent dans nos médias et sur Facebook ou Twitter. Je n’ai pas non plus à me justifier de mon absence à la manifestation du 11 Janvier. Quelques mois auparavant, j’avais participé à l’hommage rendu à Rémi Fraisse, ce jeune écologiste de 21 ans tué par les flics. Nous étions peu nombreux, environ 800 ou 1000. Pourtant, il ne me semble pas avoir lu dans Mediapart que tous les absents à cet hommage étaient restés calfeutrés chez eux, les bras croisés. Ni qu’ils cautionnaient les bavures policières et les crimes d’Etat. Je semblais ainsi être le seul ému en voyant Cécile Duflot en larmes dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, après avoir essuyé le refus de Claude Bartolone à sa demande de minute de silence en hommage au jeune botaniste. "Il est de tradition de saluer par une minute de silence les décès survenus parmi nos forces armées ou parmi les otages" se justifiait ainsi Bartolone. Visiblement pour les morts de Charlie Hebdo, on a fait une exception à la tradition. http://www.youtube.com/watch?v=DIZV9lJVFnU

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