mercredi 18 janvier 2017

Jacques Sapir : L'UE s'est transformée en une machine visant à dissoudre l'influence française, stade préparatoire à la dissolution de la France elle-même



Dans un discours très attendu, Theresa May a confirmé le choix d'un «hard Brexit» comprenant une sortie du marché unique. Pour Jacques Sapir, ceci montre la faiblesse de Bruxelles qui a été incapable de faire pression sur Londres.

Madame Theresa May a donc annoncé son plan pour mettre en œuvre ce que l'on appelle le «Brexit», soit la séparation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Elle a choisi, en définitive ce que l'on appelle la solution «dure» ou le «hard Brexit», c'est-à-dire la rupture avec le marché unique.

«Brexit means Brexit»: un divorce est un divorce

Cette option se comprend si l'on considère ce que le «marché unique» est devenu: tout à la fois un monstre de complexité, avec des réglementations de plus en plus tatillonnes mais aussi un instrument qui empêche les pays de l'Union européenne de défendre leurs propres intérêts. La délégation de pouvoir dont jouissent tant la Commission de Bruxelles que les diverses institutions européennes, dont il faut ici rappeler que aucune n'est élue, conduisent à imposer des règles au-delà de ce qui peut s'avérer nécessaire pour l'économie d'un pays particulier. Le marché unique est ainsi devenu un rouleau compresseur qui prétend éliminer les différences entre des économies qui, pourtant, s'avèrent différentes. En fait, la marché unique a même entraîné un accroissement de ces divergences entre les économies de l'UE, ce que j'ai appelé, dans différents textes le processus «d'euro-divergence» [1].


L'UE est devenue un instrument aux mains de l'Allemagne et au détriment des autres nations.

Si, encore, ces règles avaient eu pour contrepartie une politique cohérente et volontariste cherchant à préserver l'économie des pays de l'Union européenne confrontés à la concurrence internationale. Mais, il faut bien dire que sur ce point l'UE agit en réalité comme un «ouvre-boîte». La Commission de Bruxelles négocie divers traités de libre-échange non pas du point de vue des Etats membres mais du point de vue idéologique qui est le sien et qui veut que le libre-échange soit la meilleure solution à tous nos problèmes. On en a vu un exemple dans le cas du CETA tout comme dans le cas du TAFTA [2]. Cependant, il n'y a pas que l'idéologie qui guide l'action de la Commission de Bruxelles et des institutions européennes. Il faut en faire le constat et le dire, haut et fort, l'UE est devenue, progressivement, un instrument aux mains de l'Allemagne et au détriment des autres nations. Cela à commencé par l'Euro, qui donnait à l'Allemagne deux avantages essentiels, une protection contre des dépréciations des monnaies de ses principaux concurrents européens, mais aussi qui assurait que la monnaie dans laquelle l'Allemagne commerce serait dépréciée par rapport à ce que devrait être son niveau logique. Ces deux avantages expliquent très largement l'immense excédent commercial dont l'Allemagne bénéficie. Mais, cette position favorable puis dominante de l'Allemagne se manifeste aussi dans les négociations extérieures de l'UE ou, clairement, ce sont les intérêts allemands qui sont les premiers servis.


La position de Theresa May ne peut qu'être confortée par les récentes déclarations de Donald Trump.

Il convient donc de rappeler que cette domination de l'Allemagne et le type de fédéralisme furtif - et en réalité au service de l'Allemagne - qu'elle implique, furent des arguments importants qui ont pesé dans le Brexit. On comprend mieux les deux points parmi les plus importants dans le discours prononcé jeudi 17 juillet par Theresa May: la volonté de mettre fin à la prééminence du droit communautaire, instrument justement de ce fédéralisme furtifs, et la volonté de reprendre le contrôle des frontières.

Theresa May, Donald Trump et l'effacement de la France

La position de Theresa May ne peut qu'être confortée par les récentes déclarations du Président nouvellement élu des Etats-Unis, M. Donald Trump. Dans l'interview qu'il a accordé au Times of London tout comme au Bild, il a clairement indiqué son pessimisme quant à l'avenir de l'Union européenne. Il est d'ailleurs significatif qu'aucun journal français n'ait été associé à cette interview. Donald Trump s'est exprimé en direction d'un lectorat britannique et allemand, parce qu'en réalité ce sont aujourd'hui les deux seuls qui comptent. Il faut le constater pour le regretter, mais la France ne pèse plus, si ce n'est à la marge, dans les affaires européennes.

L'Union européenne, qui a été vendue à l'opinion publique française comme un moyen de démultiplier l'audience et le pouvoir de la France s'est transformée, dans sa réalité, en une machine visant à dissoudre l'influence française, stade préparatoire à la dissolution de la France elle-même.
(...) Lire la suite : Le Figaro

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