samedi 1 avril 2017

Le coût d’un maintien dans l’euro PAR JACQUES SAPIR




L’Union européenne traverse aujourd’hui crise majeure. Ceci a pu être constaté dans l’absence total d’enthousiasme avec lequel furent célébrés les soixante ans du Traité de Rome. L’union européenne ne fait plus recette.

A l’origine de cette crise on trouve l’Euro, qui déséquilibre économiquement l’UE et la rend incapable d’intégrer au moins une partie des réfugiés qui se pressent à ses portes. Pourtant, la monnaie unique se voulait le couronnement de la construction européenne. En réalité, elle cause son déclin, elle provoque sa ruine et elle pourrait la conduire à la mort. Elle corrode les fondations économiques et sociales des pays qui l’ont adopté, elle met à mal le modèle social et elle s’avère contradictoire avec la démocratie. La monnaie unique suscite aussi, peu à peu, la montée de comportements tyranniques, un gouvernement de règles qui s’oppose au gouvernement des lois votées par les Parlements. C’est cela qui produit en réaction, mais qui aussi justifie, une vague dite « populiste » sans précédent et sans égal.

Seule l’Allemagne semble y échapper ; ce n’est pas un hasard. L’Euro a été conçu par et pour l’Allemagne. Permettant une sous-évaluation de la monnaie allemande, sous évaluation qui a été évaluée à -15% par rapport à ce que devrait être le taux de change d’un Deutsch Mark maintenu, l’Euro entraine aussi une surévaluation des monnaies de pays comme la France, l’Italie[1] et l’Espagne[2]. Cela se traduit par l’énorme excédent commercial structurel de l’Allemagne au détriment de ses voisins, un excédent commercial qui porte en lui la fin de l’Union européenne.

Graphique 1



Sources : base de données du FMI (octobre 2016)

Cet excédent aurait dû produire une réévaluation de la valeur de la monnaie allemande, tout comme il aurait, normalement, conduit à la dépréciation de la valeur des autres monnaies par rapport à la monnaie allemande. Or, ceci est impossible du fait de l’Euro dont le fonctionnement ici s’apparente aux parités de change du « bloc-Or » de sinistre mémoire dans les années 1920 et 1930. Ce « bloc-Or », encensé par les uns, mais décriés par les autres, fut un des principaux propagateurs de la crise de 1929 en Europe.

L’Allemagne avait ainsi une balance commerciale déficitaire de -1,4% du PIB en 1999 ; elle se retrouve avec un excédent de plus de 8% en 2015. Surtout, cet excédent ne cesse de s’accroître depuis l’introduction de l’Euro. Les crises désormais sont permanentes depuis 2010. Elles conduisent a des politiques budgétaires stupidement restrictives adoptées pour « sauver l’Euro », qui entrainent une chute historique des investissements pesant non seulement sur la croissance mais sur le bien-être des populations. Les crises à répétition entre les pays de l’UE les dressent les uns contre les autres, et menacent la coopération européenne comme jamais auparavant. L’Euro constitue un défi et un danger pour l’état d’esprit européen. Le constat est désormais partagé par de nombreux économistes. Qu’il s’agisse de Lord Mervyn King, l’ancien gouverneur de la Bank of England ou Banque centrale du Royaume-Uni, qui vient de publier un livre[3] où il étrille l’Euro, de plusieurs prix Nobel, dont Joseph Stiglitz[4], ou d’un livre co-écrit par plusieurs économistes[5] – tous pensent de même. De fait, le nombre d’économistes de renom aujourd’hui opposés à l’Euro ne cesse de monter.

Ils ne sont pas les seuls. Des politiques de premier plan, comme Oskar Lafontaine (ex dirigeant du SPD et fondateur du parti Die Linke[6]), Stefano Fassina, ancien ministre du gouvernement de centre-gauche en Italie[7], ont joint leur voix aux critiques. Ces critiques sont le versant policé de la montée des mouvements populistes dans les différents pays européens, que ce soit le Mouvement 5 étoiles en Italie, PODEMOS en Espagne, le Front National en France, ou des mouvements similaires au Pays-Bas et même en Allemagne (avec l’AfD qui vient d’entrer dans le parlement de la Sarre à l’occasion des élections régionales allemandes). Et cela nous mène à une question évidente: pourquoi donc l’Euro a-t-il été mis en place ?

(...) Lire la suite sur le blog de Jacques Sapir

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